PERSONNALITÉ

Daniel Hintermann

Directeur logistique de Coop

«En tant que logisticien, je ne veux pas me contenter de regarder depuis mon bureau comment circulent les camions.»

Daniel Hintermann

Depuis 2017, il est membre de la direction du groupe Coop et directeur de la logistique de la coopérative Coop. A 51 ans, il est aussi membre du conseil d’administration et du comité exécutif de Cargo souterrain AG, mais également président du conseil d’administration de railCare AG. Diplômé en gestion, Daniel Hintermann a également suivi une formation en logistique d’entreprise. Après l’université, il a acquis une précieuse expérience professionnelle pendant cinq ans dans une entreprise de conseil: de la simple optimisation au redressement. Mais Daniel Hintermann se définit comme un exécutant. Au cours de sa longue carrière chez Coop depuis 2001, il assume de plus en plus de responsabilités de direction: d’abord au siège d’Interdiscount à Jegenstorf en tant que responsable du service après-vente, puis en tant que directeur logistique, informatique et service après-vente; et de 2010 à 2016 en tant que responsable de la région logistique de Coop nord-ouest de la Suisse-Suisse centrale-Zurich à Schafisheim.

Sa famille avec deux fils est au centre de sa vie. Pendant son temps libre, il aime faire du vélo, du ski, de la randonnée ou des voyages. Il est aussi fan de football (YB).

Dynamisme à tous les niveaux

A Berne, le Kornmagazin a rencontré Daniel Hintermann, responsable en chef de la logistique chez Coop. Processus logistiques quotidiens et exceptionnels, enseignements tirés dans le cadre de la crise du coronavirus, innovations dans le transport de marchandises: des informations passionnantes sur ces sujets sont dévoilées dans cet entretien. 
Daniel Hintermann: sa mission en tant que directeur logistique chez Coop englobe un large spectre de responsabilités. Photo: Coop

Monsieur Hintermann, avant de succéder à Leo Ebneter à la tête de la direction logistique chez Coop en 2017, vous jouiez déjà un rôle important sur le plan logistique à Schafisheim. 
Daniel Hintermann: Oui, j’y étais directeur général de 2010 à 2016 lors de la construction du nouveau centre logistique de Coop, avec la plus grande boulangerie de Suisse. Près de 40% de tous les points de vente de Coop sont approvisionnés par la centrale de distribution de Schafisheim AG. Il s’agit d’un bâtiment immense, qui s’enfonce à 25 mètres sous le sol et s’élève à 25 mètres de haut. Un défi gigantesque résidait dans la mise en place des processus et l’interconnexion des fonctions logistiques les plus variées sur place. Pour cela, j’ai spécialement suivi une formation pour obtenir le diplôme fédéral de directeur logistique. Il était nécessaire pour moi de me pencher sur les principes et la théorie de la logistique.

Pourquoi le siège de votre direction est-il situé ici à la centrale de distribution de Berne et non à Schafisheim? 
En tant que logisticien, je ne veux pas me contenter de regarder depuis mon bureau comment circulent les camions. Je dois sentir ce qui se passe et également avoir un lien avec la base dans ma fonction. Ainsi, je dirige en union personnelle l’une de nos quatre régions logistiques, dont Berne est la plus petite. La région nord-ouest de la Suisse-Suisse centrale-Zurich, dont le site se trouve à Schafisheim, est beaucoup trop grande et complexe. Elle requiert un poste à temps plein.

Combien de collaborateurs et collaboratrices sont sous votre direction?
Outre la logistique, je gère les boulangeries, notre source d’eau minérale, le vignoble et la mûrisserie de bananes. Au total, nous sommes près de 5200 personnes, dont près de 1000 collaborateurs et collaboratrices dans le domaine de la boulangerie. Une composition intéressante. Ainsi, on pourrait survivre en captivité avec l’eau et le pain. Et pour que ce soit moins pénible, on a aussi du vin et les bananes pour la vitamine. (il rit!)

Comment fait-on sur le plan logistique pour toujours avoir en magasin les grandes quantités et les innombrables articles?
Une immense gestion des processus assistée par ordinateur est derrière tout cela. Sinon, nous n’aurions aucune chance au vu de la complexité. Notre système de gestion des marchandises gère l’interaction de toutes les commandes des magasins comme celui-ci jusqu’aux fournisseurs. Si les processus ne fonctionnaient pas parfaitement, les centrales de distribution seraient submergées de livraisons. Ou il y aurait des pénuries en l’absence de réceptions de marchandises.

Articles à forte ou faible rotation

Qu’advient-il des livraisons qui arrivent dans une centrale de distribution (CD)? 
Pour toutes les marchandises, nous distinguons si elles arrivent dans une centrale de distribution régionale en tant qu’articles à forte rotation ou dans une centrale nationale en tant qu’articles à faible rotation (pour les détails, voir Article connexe). Les produits qui possèdent une date limite de consommation un peu plus longue comme les yogourts ou la charcuterie sont généralement stockés chez nous brièvement puis expédiés selon les besoins. Les produits ultra-frais comme les salades toutes prêtes sont étiquetés et triés puis livrés la nuit à nos CD. Mais ils ne sont pas stockés entre-temps. Ils arrivent tôt le matin dans nos camions afin de parvenir dans les filiales avant l’ouverture du magasin. C’est ce qu’on appelle le cross-docking. 

Qu’est-ce qui vous fascine concernant le dynamisme logistique? 
Chez Interdiscount, j’ai appris qu’un téléphone portable qui sort sur le marché doit être vendu rapidement. Mais dans le domaine agro-alimentaire, la notion de fraîcheur est un peu différente. Dans une centrale de distribution régionale, nous travaillons selon un rythme de 24 heures. Tout est chronométré, si quelque chose ne se déroule pas parfaitement, tu peux l’arranger le lendemain. Si l’on parcourait notre CD de Berne quatre fois en dix heures, on y verrait quatre fois des assortiments différents sur la même surface.

Quand vous regardez par la fenêtre de votre bureau, pouvez-vous savoir si tout se déroule bien?
Oui, ça donne une indication. En voyant des files de camions longues ou courtes le matin, je peux estimer un peu la situation. Souvent, je descends sur place. Il serait également impensable qu’un directeur des ventes n’aille pas voir ses magasins. Mais pour moi, il n’y a pas que Berne. Je suis aussi souvent en déplacement, je visite les centrales de distribution dans toute la Suisse et me rends souvent au siège de Bâle pour des réunions. Ces deux dernières années, nous avons beaucoup plus utilisé la voie électronique et nous sommes moins retrouvés physiquement à cause de la pandémie.

Qu’en est-il des trajets à vide? 
Cela n’existe pas chez nous: même nos camions qui reviennent sont remplis à 70%. En effet, nous ne mettons rien au rebut à l’extérieur dans les communes. Ici, sur notre site, nous avons une centrale de recyclage. Qu’il s’agisse de déchets, papiers, piles ou matériel de construction, tout est trié. Nous avons des machines pour cela.

Drame de la crise du coronavirus

Fin 2021, la Suisse a été une nouvelle fois confrontée à une vague de pandémie. L’avez-vous ressenti dans le comportement d’achat avant les fêtes?
Pour notre logistique et pour les points de vente, les achats des fêtes de fin d’année sont une période de pointe dans l’année. Au vu des volumes très élevés de nos unités équipées, nous avons vu à nouveau des influences du coronavirus, d’une part car les gens voyageaient moins à l’étranger et, d’autre part, car ils achetaient moins au-delà des frontières. Mais nous étions préparés et avons pu maîtriser la situation.


Chez Coop, il existait des manuels en cas de pandémie, mais ils sont restés au placard.

Daniel Hintermann


Contrairement à 2020, suite à l’instauration fédérale du confinement mi-mars. Que s’est-il passé à ce moment-là, quels défis et enseignements vous ont le plus marqués?
Ce que nous avons vécu dans le commerce de détail était inimaginable. Aucune comparaison avec les habituelles périodes de pointe pour les fêtes de fin d’année. Au début, au moment des achats de réserve, nous avons dû complètement improviser. Heureusement, nos systèmes administratifs étaient solides, mais nous devions sans cesse inventer de nouvelles solutions. Chez Coop, il existait des manuels en cas de pandémie, mais ils sont restés au placard. Nous avons plutôt réfléchi en fonction de la situation, de manière flexible et rapide, sur la manière de s’organiser dans le mode de crise donné.

Au niveau supérieur de l’organisation, nous avons abordé la crise comme une PME, constitué une cellule de crise avec très peu de personnes autour de Joos Sutter (notre CEO de l’époque, aujourd’hui VRP). Avec ce groupe, nous étions sur le front. Nous avons créé des plateformes pour toute l’entreprise, par exemple une force opérationnelle flux de marchandises, où les collaborateurs des achats, de la logistique et des ventes, ainsi que des représentants thématiques résolvaient des défis ensemble. Des personnes qui ne travaillent pas autant ensemble en temps normal. Il était important que, en tant que supérieurs et membres de la direction, nous soyons le plus souvent possible présents avec les gens, solidaires, et pas en retrait dans nos bureaux.

Et chez vous, à votre direction?
A la force opérationnelle logistique, nous avons essayé de nous concerter constamment à l’échelle nationale, le plus souvent de manière virtuelle. Nous avons ainsi découvert les problèmes des différentes régions. Le Tessin était déjà en mode de crise alors que nous avions encore l’impression à Berne que les choses ne seraient pas si graves chez nous. Nous élaborions ensemble la solution à une problématique spécifique et formulions dans la mesure du possible des solutions standardisées pour des situations semblables ou similaires. Les structures en plexiglas dans les magasins, le désinfectant puis les masques pour la protection de tous nos collaborateurs ont par exemple été des sujets nationaux. Pour fabriquer du désinfectant, nous avions heureusement notre propre usine de production avec Steinfels Swiss.


Papier toilette ... nouvelles règles de marché

A certains moments, des rayons étaient vides, par exemple ceux du papier toilette, ce qui a donné lieu à de nombreuses railleries. Comment avez-vous vécu cela? 
Pour nous, ça a été difficile sur le plan logistique. Notre objectif a toujours été de ne pas avoir de pénuries dans les rayons. Mais nous avons vécu simultanément différents nouveaux phénomènes que nous n’aurions jamais pu imaginer dans notre monde organisé. Ainsi, un assortiment, celui du papier toilette, a subitement été dévalisé. Notre système de gestion des marchandises a réagi automatiquement à cet effet et nous avons dû intervenir manuellement. Au final, nous avons manqué de papier toilette pendant une semaine au maximum. Mais le défi résidait ailleurs: le papier toilette n’était pas toujours au bon endroit. La demande des clients évoluait très vite, se déplaçant en peu de temps des grands supermarchés aux petits magasins au coin de la rue, en raison du télétravail.

Les nouvelles règles du marché que nous avons subies à la logistique sont le souvenir le plus fou que j’en garde. Si la marchandise venait à manquer, de nouvelles règles s’appliquaient subitement. Et 35 sortes de pâtes n’étaient plus nécessaires. L’essentiel était qu’il y ait des pâtes, la variété devenait secondaire. Il était important que nous puissions assurer l’approvisionnement de base, ce que nous avons réussi à faire.

Rétrospectivement, qu’est-ce qui vous réjouit particulièrement?
Si l’on excepte la situation sociale dramatique liée au coronavirus, cela a été pour nous tous une période extrêmement enrichissante. Surmonter une crise ensemble nous a incroyablement rapprochés. J’ai ressenti une grande motivation et un fort esprit d’équipe. Deux temps forts: du jour au lendemain, 1000 magasins non alimentaires ont fermé chez Coop, avec 13 000 personnes qui se retrouvaient sans emploi. Nous avons alors commencé à réaffecter les gens issus de tous les formats possibles. Cela semble relativement simple, mais c’était extrêmement complexe. Dans notre boulangerie, j’ai soudain vu un ancien collègue d’Interdiscount donner un coup de main. Ça a été un moment clé pour moi: nous sommes vraiment une famille chez Coop.

Les nouvelles situations ont donné de nombreux élans à notre entreprise. En principe, nous avons commencé à gérer différemment l’ensemble du système logistique dans les activités opérationnelles, en particulier au niveau des interfaces. Résultat: la collaboration fonctionnait mieux qu’auparavant. Cela a donné naissance à un comité qui se poursuit aujourd’hui et nous avons intégré de nouveaux enseignements dans le fonctionnement courant. Le fait de répondre à une demande énorme est devenu une sorte de normalité sur le plan logistique.


Top 100 Shop

Dans le commerce en ligne, Coop a aussi atteint ses limites en 2020.
C’est vrai. Peu de temps après l’annonce du confinement par le Conseil fédéral à mi-mars, nos systèmes en ligne ont presque été paralysés par la ruée. Nous avons donc ouvert un nombre défini de créneaux par jour pour les commandes. Ils étaient complets en permanence, ce qui n’était pas optimal pour les clients habituels, comme les crèches et les personnes âgées, qui ne commandent qu’en ligne. Nous nous sommes efforcés de proposer un suivi spécial. Nous ne pouvions pas tout fournir à l’ensemble de la Suisse, mais nous voulions au moins assurer l’approvisionnement de base.

Nous ne pouvions pas tout fournir à l’ensemble de la Suisse, mais nous voulions au moins assurer l’approvisionnement de base.

Daniel Hintermann


Comment cela a-t-il été possible?
Grâce à notre force de proposition: en quelques jours, nous avons lancé un «Top 100 shop» avec les produits non réfrigérés les plus courants du quotidien. Nous avons loué une grande plateforme de stockage auprès de notre partenaire logistique Galliker pour y entreposer les 100 articles les plus demandés. Nous avons également mis en place une plateforme de commande en ligne très simple et séparée. Les livraisons étaient réalisées dans des délais très courts par la Poste.

Les crises et la collaboration interdisciplinaire font-elles émerger davantage de créativité?
Oui, cela stimule vraiment la créativité. Nous avons aussi toujours cherché des solutions à petite échelle. Au premier abord, la logistique ne semble pas très créative. Mais pour envisager la gestion des processus dans son ensemble ou différemment et créer des solutions qui vont peut-être un peu plus loin, il faut s’enfoncer énormément dans les processus. Nos directeurs de département ont besoin de ce profond intérêt et de l’enthousiasme dans ce domaine.

La plus petite filiale 

A l’échelle de la Suisse, Coop possède près de 2350 formats de vente, dont près de 1000 supermarchés. Quelle est la plus petite filiale?
Elle se situe à Bosco Gurin, dans le val Maggia. Le magasin mesure environ 40 mètres carrés. La route qui y monte est si étroite qu’une livraison normale est difficilement possible. Il y a quelques années, nous avons acheté une camionnette pour la responsable du magasin: elle descend elle-même à la filiale de Cevio et y achète ce dont elle a besoin dans son magasin.

Un joli petit magasin isolé que Coop veut conserver là-haut?
La filiale existe depuis une éternité et je suis heureux qu’elle survive. A certaines périodes, Coop a beaucoup investi dans les plus gros formats. Aujourd’hui, nous investissons davantage dans de petits magasins modernes dans les zones rurales et les quartiers, là où vivent les gens. Nous voulons assumer une certaine responsabilité dans les régions. Nous sommes nés de petites et grandes coopératives, et c’est là aussi que s’ancrent nos sites.


Tournant dans le transport de marchandises

La réduction du CO2 est une exigence forte de Coop, qui cible notamment le transport de marchandises.
C’est exact. Les jalons ont été posés en 2008. L’objectif visionnaire de Coop à l’époque était d’être neutre en CO2 pour l’activité suisse d’ici à 2023. Concrètement: 50% que nous créons nous-mêmes et les 50% restants que nous compensons par des projets de protection du climat avec le WWF dans nos chaînes de livraison. Cela a aussi été le déclencheur de notre rachat en 2010 d’une jeune entreprise du nom de railCare, avec son offre ferroviaire (pour les détails, voir Article connexe). Notre objectif était de miser sur le rail pour les longs trajets.

Quels sont les avantages? Et êtes-vous satisfait des résultats?
Dans les années 2010 à 2020, nous avons multiplié par 2,7 notre transport ferroviaire de marchandises. Ainsi, nous économisons près de 10 000 tonnes de CO2 ou 10 millions de kilomètres parcourus par camion chaque année. Ce sont des chiffres considérables. Le fait que nous utilisions en Suisse de l’électricité provenant de centrales hydrauliques pour le rail est un autre atout. Le train a pour nous une grande importance, surtout en ce qui concerne le bilan de CO2 et notre stratégie climatique. Un autre avantage est ce qu’on appelle le saut de nuit, c’est-à-dire le transport de marchandises pendant la nuit. Par camion, les transports de produits frais sont presque les seuls autorisés la nuit.

Développement de railCare

Depuis début octobre 2021, les transports de marchandises par rail de Coop se font en partie avec CFF Cargo, et davantage avec la propre entreprise de Coop, railCare. Pourquoi avoir développé votre propre entreprise de transport de marchandises?
Nous visons la solution ferroviaire idéale pour Coop, parfaitement adaptée à nos besoins. Nous avons de nombreux transports nationaux. Notre règle d’or: les trajets de plus de 90 km doivent passer par le rail. Notre problème était que personne ne pouvait nous proposer une solution pour le «dernier kilomètre» vers les plus de 2000 magasins. Nous avons donc établi avec railCare le transport combiné non accompagné. Nos transports sont concernés par le changement décrit avec les marchandises pour les magasins. Les livraisons de céréales pour Swissmill par exemple continuent d’être effectuées par trains complets avec CFF Cargo.

Qu’en est-il du matériel roulant?
Aujourd’hui, nous avons sept locomotives railCare en leasing, ce qui est suffisant. Le système railCare classique, avec les caisses mobiles que nous transférons des trains aux camions pour les trajets jusqu’aux filiales, reste en place. Au plus tard à partir d’avril 2022, nous introduirons nos propres wagons de marchandises supplémentaires pour les palettes et les conteneurs roulants, qui sont un peu différents de ceux des CFF. En outre, nous demandons au besoin l’utilisation de tracés du réseau ferroviaire pour certains créneaux, que nous payons.

Pour les CFF, ce changement de stratégie d’un gros client comme Coop ne doit pas être simple?
C’est un processus qui ne s’est pas fait en une nuit. Nous avons toujours une bonne et étroite relation avec les CFF et sommes très satisfaits des services dans les domaines spécifiques.


Camions à l’hydrogène

Coop mise également sur les camions à l’hydrogène et a été un pionnier en Suisse avec la première station à hydrogène à Hunzenschwil près de Schafisheim en 2016. Est-ce que Coop y voit une stratégie d’avenir?
Nous sommes convaincus que l’hydrogène comme carburant est une technologie d’avenir (pour les détails, voir Article connexe). Pour le mettre en avant, nous avons lancé en 2018 l’association «H2 Energy» avec sept membres fondateurs. Elle compte aujourd’hui 21 membres, notamment des détaillants, des transporteurs, des exploitants de station-service. A l’époque, l’achat de véhicules n’était pas simple. Grâce à un partenariat stratégique avec Hyundai et «H2 Energy» et des producteurs d’électricité suisses (pour tirer l’hydrogène de l’énergie hydraulique), nous sommes sur la bonne voie. Actuellement, Coop possède sept camions H2 de première génération de Hyundai, que nous pouvons uniquement prendre en leasing. Les véhicules H2 et électriques sont provisoirement exonérés de la redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations (RPLP), afin de permettre à la technologie de se développer. Les décisions politiques ont encore un rôle à jouer à ce sujet.


Nous sommes convaincus que l’hydrogène comme carburant est une technologie d’avenir.

Daniel Hintermann


Coop possède aussi des camions électriques. Comment se situent les camions H2 comparativement?
Nous sommes très satisfaits de nos camions H2, qui nous permettent de circuler plus d’une journée sans recharger le réservoir. Aujourd’hui, l’aspect pratique n’est plus à démontrer. Les camions électriques en revanche arrivent à leurs limites. Actuellement, ils ne sont pas compatibles avec des remorques. Pour pouvoir déplacer de gros tonnages, des batteries relativement grosses sont nécessaires. J’imagine que, pour les voitures, les modèles électriques s’imposeront largement tandis que, pour les poids lourds, il devrait s’agir de ceux à hydrogène.


Feu vert pour le train de marchandises souterrain

Parlons du cargo souterrain (CST), installation souterraine de transport de marchandises, au financement privé: comment évolue le projet, auquel Coop participe en tant que pionnier?
Il s’agit d’un projet visionnaire et extrêmement intéressant (pour les détails, voir Article connexe). Je fais partie du comité exécutif en tant que représentant du marché et transmets les exigences des utilisateurs. Nous sommes ravis que le Conseil national et le Conseil des Etats aient apuré et approuvé en décembre 2021 la «loi sur le transport souterrain de marchandises» élaborée par le Conseil fédéral. C’est une base indispensable à la construction, qui offre des conditions-cadres garanties. La prochaine entrée en vigueur de la loi constitue un jalon et le point de départ formel de la phase d’autorisation de construire, les travaux préliminaires ayant déjà été réalisés. Jusqu’à maintenant, tout est financé proprement et nous sommes sur la bonne voie. Coop fait partie des près de 80 actionnaires. Notre mission en tant que représentant du marché est toutefois principalement d’investir sous forme de mandats de transport.

Il s’agit d’un projet visionnaire et extrêmement intéressant.

Daniel Hintermann


Est-ce que le CST est seulement une offre complémentaire ou pourrait-il concurrencer d’autres voies de transport?
La nouvelle infrastructure joue principalement un rôle complémentaire et offre également de nouvelles approches de solution pour la logistique urbaine, la distribution dans les centres-ville. A différents endroits, il existe aussi des liaisons avec le train. Les combinaisons peuvent aussi s’avérer intéressantes. Certains effets de concurrence sont possibles. Et bien sûr, nous diminuerons notre flotte de camions, d’autant que nous voulons contribuer à une réduction du trafic routier. Comme on s’attend à une forte hausse du transport de marchandises d’ici à 2040, les effets de concurrence seraient aussi amortis. De plus, toutes les marchandises ne sont pas adaptées au transport par CST.

Mais pour nous, l’essentiel est que le système puisse être exploité de manière rentable. Sa légitimité sur le marché doit être prouvée avant la construction. Si des prix fantaisistes sont nécessaires pour transporter quelque chose, il vaut mieux ne pas construire le système de transport souterrain. Mais aujourd’hui, nous sommes convaincus d’être sur la bonne voie.


Projets numériques

En matière de numérique, est-ce que les choses avancent?
Oui, nous mettons un coup d’accélérateur. Il existe un potentiel énorme dans tout l’univers du transport. Un des objectifs consiste à améliorer le suivi des camions pour améliorer la planification des tournées. Il arrive que certaines tournées subissent des retards à cause de bouchons. Un objectif est de définir pour les filiales un créneau le plus restreint possible de +/-15 minutes pour notre livraison.

Dans le domaine de la boulangerie en interne, des initiatives sont également menées pour étudier précisément l’interaction entre de très nombreux éléments de production et installations. A l’aide des très gros volumes de données, nous pouvons déterminer pour quels produits il existe différents défis, identifier les causes des goulots d’étranglement et enfin prévoir de manière beaucoup plus spécifique.

Egalement chef de la boulangerie

En tant que directeur logistique, vous êtes également chef des boulangeries Coop. Pourquoi cela?
C’est une combinaison purement organisationnelle qui est née il y a des années. Auparavant, tous les pains étaient cuits dans les boulangeries Coop. Pour qu’ils parviennent de manière directe dans les magasins, on a rattaché les boulangeries aux centrales de distribution. Aujourd’hui, c’est différent: l’assortiment de pain frais à Schafisheim représente environ 30%. La majorité de la production concerne les pâtons surgelés, qui sont cuits dans les magasins. Nous livrons aussi de plus en plus de produits de pâte crue aux filiales.

Les boulangeries Coop travaillent en étroite collaboration avec Swissmill. Comment se déroule la collaboration?
Très bien. Nous achetons toutes les farines auprès de Swissmill, sauf par exemple les farines régionales provenant d’autres minoteries, mais Swissmill les achète pour nous. Swissmill est pour nous un partenaire de coopération dans le domaine de la farine, des produits de boulangerie et de la logistique. La collaboration est très intéressante. Les mauvaises années de récolte, comme actuellement, nous sommes confrontés à des défis plus importants, en particulier dans le domaine du bio. Swissmill est alors sous pression: ils aimeraient nous livrer mais ne peuvent le faire que partiellement à cause de la récolte. Cela requiert du travail d’équipe et, dans les cas extrêmes, nous devons légèrement modifier l’assortiment de pain.

Vous aimez le pain?
Oui, beaucoup, le pain et en particulier la tresse. Je trouve par exemple que la tresse au feu de bois bio de Coop est excellente. Le matin, je me régale avec, et nos enfants aussi, même le lendemain.

Vos fils n’ont que 11 et 7 ans.
Oui, je suis devenu père sur le tard. Mon premier fils est né quand j’ai repris la direction générale du projet de construction à Schafisheim en 2010. Cela n’a pas été une période facile, avec les trajets quotidiens. En ce moment, je suis dans la phase où je découvre progressivement le système scolaire bernois, c’est très intéressant. J’essaie toujours de préserver la famille et de lui consacrer des moments bien précis. Nous apprécions de pouvoir maintenant partir en vélo ou en randonnée tous les quatre et entreprendre davantage de choses.

Etes-vous comblé au travail?
Ça ne se voit pas? (il sourit) Aucun enfant ne dit qu’il deviendra responsable logistique quand il sera grand. Aujourd’hui, j’ai encore du mal à expliquer à mon plus jeune enfant une journée typique. Ce qui est bien, c’est qu’il y a toujours des sujets que tu peux découvrir. Je peux me donner à fond ici jusqu’à la retraite, toujours dans l’idée d’amélioration, de gain d’efficacité ou de réduction des coûts, avec plus de sécurité pour les collaborateurs, pour la qualité et pour le processus global. J’ai beaucoup de latitude et, maintenant, je peux encore agrandir notre propre entreprise ferroviaire. Si je n’étais pas comblé, il y aurait un problème quelque part.

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