Monsieur Raggini, quelle fonction assure le laboratoire central en tant qu’unité principale du centre de qualité?
Silvio Raggini: Le laboratoire central est le centre de compétence analytique de l’ensemble du groupe Coop. Il sert exclusivement de prestataire interne. Les secteurs QM Food et Non Food ainsi que AQ vente/logistique font partie des donneurs d’ordre du laboratoire central, mais aussi le service Identification et alimentation et également les sites de production.
Une grande quantité de missions incombe au centre de qualité pour les points de vente de Coop à l’échelle de la Suisse. Un exemple?
Raggini: Pour les secteurs spécialisés AQ de tous les points de vente, nous programmons nos propres audits, en complément des audits de certification indépendants. Nous en avons réalisé près de 3000 en 2018. Nous établissons également des programmes de surveillance en ciblant particulièrement les produits frais ouverts et emballés, les appareils électriques ou le textile. Pour les groupes de produits critiques, nous surveillons les risques. En 2018, le laboratoire central a prélevé plus de 34 000 échantillons dans les secteurs Food et Non Food, qui nous ont permis de contrôler le respect de nos directives de qualité. Nous avons aussi remanié les manuels AQ, et nous organisons régulièrement des formations pour les collaborateurs.
Appareils de pointe
Les sites de production qui ne se situent pas à Pratteln, comme Swissmill, disposent de leurs propres laboratoires. Quelles missions assure le laboratoire central pour ces sites?
Raggini: Il s’agit d’exploiter les synergies du groupe. Nous disposons de connaissances spécialisées et parfois de coûteux appareils de pointe pour tout le monde. Nous réalisons par exemple pour Steinfels Swiss des tests de résistance pour les crèmes solaires. Bell utilise aussi nos compétences de laboratoire de service pour ses contrôles d’exploitation. Nous échangeons sur les nouveaux risques et définissons des mesures à l’échelle du groupe. Au laboratoire, nous décidons où les analyses spécifiques doivent être effectuées pour nous permettre d’identifier de nouveaux thèmes et de résoudre les éventuels problèmes le plus rapidement possible. Avec nos analyses, nous voulons principalement garantir la sécurité et montrer que les marchandises sont conformes.
Monsieur Bögli, Swissmill utilise aussi vos services. Que fait analyser Swissmill au laboratoire central?
Rolf Bögli: Nous analysons des produits finis et des matières premières pour la minoterie. Le service AQ de Swissmill est notre donneur d’ordres et nous fournit des plans de contrôle pour ses produits, qui nous permettent de contrôler et de saisir systématiquement différents aspects de la sécurité alimentaire dans un programme de surveillance: notamment des moisissures toxiques, comme les mycotoxines, des résidus de pesticide ou des contaminations.
Un autre secteur important concerne les contrôles de réception de marchandise pour les céréales bio. Pour garantir le label bio, nous recevons des échantillons de chaque lot livré à Swissmill. Nous les contrôlons généralement sous une semaine, donc plus rapidement que les ordres des programmes de surveillance, à la recherche notamment de résidus de pesticide et d’agents contaminants dans le cadre de la lutte contre les nuisibles dans les matières premières.
Devoir d’autocontrôle
Vous fournissez les rapports d’analyse à Swissmill. Que se passe-t-il en cas de réclamation provenant de votre laboratoire?
Bögli: Comme partout et pour tous les produits, il peut arriver qu’une valeur légale ou un critère de qualité interne ne soit pas respecté. En principe, une exploitation est soumise au devoir d’autocontrôle et assume la responsabilité de sa marchandise. Les collaborateurs du service AQ étudient alors les mesures nécessaires. Selon le degré de variation par rapport à une directive, il peut être autorisé dans le domaine bio de transférer les lots de céréale concernés dans la marchandise classique. En cas de réclamations importantes, une nouvelle livraison de la marchandise serait aussi possible selon le contrat avec le fournisseur.
Si une analyse détecte que des marchandises déjà en circulation dépassent un seuil légal, le producteur ou le revendeur doit le signaler aux autorités chargées de l’exécution du droit des denrées alimentaires. Mais les laboratoires cantonaux sont également actifs pour eux-mêmes et analysent par exemple la qualité des autocontrôles dans leurs exploitations.
Le laboratoire central est accrédité ISO 1725. Quel est l’avantage d’une accréditation?
Raggini: Elle est obligatoire et sert les intérêts de nos donneurs d’ordre comme Swissmill et ses clients. Ils peuvent compter sur le fait que nous travaillons selon des normes de qualité acceptées sur le plan international. La valeur de nos analyses et rapports est garantie par l’accréditation ISO 1725.
Bögli: Tous les 18 mois, le Service d’accréditation suisse (SAS) effectue des audits chez nous en tant qu’autorité fédérale. Tous les cinq ans, l’accréditation doit être entièrement renouvelée. Cela implique un audit d’envergure ainsi que des recherches très précises et approfondies. Nous sommes désormais rodés : le laboratoire central a été l’un des premiers laboratoires du pays à être accrédité, dès 1995. J’ai été embauché à l’origine en tant que responsable qualité dans le cadre de cette première accréditation.
Son propre savoir-faire
Pourquoi est-ce que Coop a récemment investi dans son propre nouveau laboratoire si vaste?
Raggini: Contrairement aux détaillants européens, Coop a décidé de gérer en interne la gestion de la qualité, les contrôles qualité et les autocontrôles. Nous sommes un prestataire de qualité. Nous nous imposons sur le marché sur un segment bio de premier choix et produisons également nos marques propres. Cela requiert des spécialistes en interne qui maîtrisent la chaîne logistique jusqu’à la vente concernant la qualité et la sécurité alimentaire. Dans ce domaine, nous ne voulons pas compter en priorité sur un savoir-faire externe.
Bögli: Faire réaliser une analyse, ce n’est pas la même chose que faire remplacer le frein de son vélo, où on peut vérifier s’il a bien été changé. En analytique, on se situe à la limite technique de ce qui est faisable. Seuls les spécialistes peuvent évaluer la pertinence des résultats et en tirer les clés appropriées. Il ne suffit pas de s’appuyer sur des rapports de test externes quand il est par exemple question des subtilités relatives aux substances actives et aux résidus de pesticide. Des connaissances approfondies de ce que l’analytique actuelle est capable de faire sont même nécessaires pour définir les objectifs d’une analyse. Il est également important de posséder son propre savoir-faire dans les situations critiques qui requièrent des informations rapides.
Pourtant, vous collaborez aussi avec des laboratoires externes.
Raggini: Oui, le laboratoire central ne fait pas tout lui-même pour le groupe Coop. Nous collaborons aussi avec des laboratoires partenaires privés définis. Pour des questions de capacité, nous confions des missions en externe si nécessaire. En cas de contrôles d’hygiène sur les points de vente, nous collaborons également avec des laboratoires partenaires régionaux. Il est peu judicieux de transporter tous les échantillons de surveillance du Tessin jusqu’ici. Cela entraîne une perte de temps et une éventuelle perte de qualité pour les échantillons.
Défis
Dans quelle mesure la fraude alimentaire constitue-t-elle un défi?
Raggini: Sur le plan international, il s’agit toujours d’un sujet central avec des faits immuables: ceux qui améliorent ou qui dénaturent quelque chose ont généralement un temps d’avance sur les services de contrôle. Qu’il s’agisse de mélanges de viande, de boissons diluées, de tromperie sur la marchandise, les effronteries ne manquent pas et chaque nouveau cas déclenche un tollé.
Mais le service QM Food / Non Food compte des spécialistes dotés d’une grande expérience. Lors de réunions internes, nous essayons d’anticiper les nouvelles problématiques. Pour les groupes de produits critiques, nous visons la plus grande transparence possible dans les chaînes logistiques, ce qui permet une plus grande sécurité en prévention et réduit le risque d’être victime de fraude. En effet, en tant que revendeur ou producteur, nous sommes en tant que victimes également coupables, car nous proposons la marchandise. Pourtant, dans l’immense assortiment de Coop, nous ne pouvons pas devancer tous les risques à 100 %.
Bögli: Généralement, le principal risque dans la chaîne d’approvisionnement provient encore de problématiques d’hygiène, qui peuvent causer des maladies voire des décès dans les cas critiques.
Quelle est la situation relative aux substances nocives dans les produits?
Raggini: De manière globale, on peut dire que la sécurité alimentaire n’a cessé de s’améliorer ces dernières décennies. Dans l’ensemble, on détecte moins de substances problématiques. Aujourd’hui, plus aucun détaillant suisse ne met en rayon des produits tels qu’ils existaient encore dans les années 80. Mais même dans les produits bio, on trouve aujourd’hui parfois des résidus de pesticide à cause de leur dispersion par le vent.
Bögli: Cela s’explique aussi par le fait que l’analytique actuelle peut mesurer des résidus de plus en plus minimes. Par conséquent, elle génère davantage de découvertes, et on trouve plus rapidement une trace qu’il y a encore 15 ans. Toutefois, les quantités de substances nocives trouvées ont diminué de manière générale. La prise de conscience de la population pour les questions écologiques a fortement augmenté dernièrement, assurément à juste titre.
Réseau
Pour terminer, y a-t-il des différences entre les laboratoires suisses et étrangers?
Raggini: Les deux entretiennent un très bon réseau, collaborent avec des groupes spécialisés de l’industrie alimentaire et de la Confédération et nous impliquent dans les activités officielles et les congrès. En Suisse, il règne une très bonne culture de collaboration ainsi qu’un intérêt mutuel aux solutions communes. Nous avons donc la possibilité de prendre position dans la résolution de problèmes. C’est un énorme avantage par rapport aux pays environnants, où ce sont surtout des juristes qui communiquent avec les autorités. Chez nous, il est rare que nous voulions clarifier des choses sur le plan légal.
Bögli: Dans le cadre d’échanges collectifs, toutes les parties gagnent en connaissances, afin de prendre des décisions plus ciblées, de pratiquer des évaluations des risques plus précises dans les domaines alimentaires et Non Food et d’aborder de la bonne manière les thèmes d’actualité. Les contacts sont très précieux.