Suisse
Les céréales panifiables ont majoritairement été récoltées en deux temps. Après une première récolte d'environ un tiers de la production à la mi-juillet, la pluie est venue interrompre le travail, dégradant encore un peu plus la qualité déjà médiocre des grains. En raison des conditions météorologiques extrêmes tout au long de la saison, les qualités sont très disparates d'une région à l'autre. Pour de nombreux acteurs de la filière, la récolte 2021 a été la plus difficile jamais connue. Rien d'étonnant, à en croire MétéoSuisse qui, dans certaines régions, fait état des mois de juin et de juillet les plus humides depuis le début des relevés. Le bilan provisoire est donc des plus décevants:
- Les rendements sont globalement inférieurs de 10 à 15 % par rapport aux années précédentes.
- 30 à 40 % du blé panifiable livré aux centres collecteurs ont été déclassés en blé fourrager parce qu'ils ne remplissaient pas les exigences minimales.
- À bien des égards, la qualité des récoltes est clairement inférieure à celle des années précédentes, plaçant les minoteries, mais aussi les entreprises de transformation, devant un défi de taille. Avec un poids à l'hectolitre nettement moindre, parfois à l'extrême limite, le taux d'extraction ne pourra que diminuer fortement. En recul depuis 2016 déjà, les teneurs en protéines ont encore baissé. Les temps de chute ont eux aussi beaucoup pâti de la longue période de pluie, entraînant une baisse notoire de la viscosité des farines et sans doute aussi des complications lors de la panification selon la qualité et le label.
Notre laboratoire est en train de terminer l'analyse des échantillons reçus et sera dans les prochains jours en mesure de dresser un bilan plus précis de la qualité des récoltes. Nous vous informerons des résultats le moment venu.
Outre les problèmes de qualité, nous rencontrons également d'importants problèmes de quantité.
- Pour le blé, les difficultés d'approvisionnement majeures auxquelles nous devons faire face peuvent être en partie compensées par les stocks des récoltes précédentes, mais il faudra malgré tout augmenter considérablement les importations, si bien qu'une hausse du contingent tarifaire sera probablement nécessaire.
- Les cultures de seigle ont quant à elles tellement souffert que les récoltes seront pratiquement nulles. Les stocks des récoltes précédentes suffiront toutefois à assurer l'approvisionnement.
- On rencontre aussi de grosses difficultés d'approvisionnement pour l'épeautre, auxquelles il faudra répondre par des importations.
UE/Monde
La France et le sud de l'Allemagne, où le temps n'était pas plus clément qu'en Suisse, sont confrontés aux mêmes problèmes. On s'attend notamment pour la France à un important surplus de blé fourrager, qui devra être écoulé au-delà des frontières européennes sur de nouveaux marchés.
Les prévisions du ministère américain de l'agriculture pour le mois d'août font état de conditions météorologiques extrêmes. En Russie, la production de blé a chuté de 15 % en un mois, et au Canada, elles ont dégringolé de 24 %! Il y a un mois encore, les prévisions tablaient sur un marché équilibré, mais d'après la tendance qui se dessine aujourd'hui, l'offre sera probablement largement déficitaire, notamment en ce qui concerne le blé de qualité supérieure.
Cette détérioration de l'offre s'est traduite par une forte volatilité des cours sur les marchés boursiers. Sur Euronext, les cotations du blé ont bondi de 13 % le mois dernier.
Bio
En Suisse aussi, les céréales panifiables bio ont pâti des conditions météorologiques catastrophiques de cet été, tant en qualité qu'en quantité. La mauvaise qualité des récoltes constituera un réel défi pour les boulangers. En volume, les premières estimations font état d'une chute de 30 (blé) à 80 % (seigle) environ. Les produits suisses, pour lesquels la demande est élevée, ne seront donc disponibles qu'en quantités limitées.
Toutefois, grâce à une collaboration de longue date avec nos partenaires autrichiens notamment, l'approvisionnement en céréales bio pourra être assuré même en cas de hausse de la demande.
Blé dur
Sur le marché mondial du blé dur, la situation dans les principales régions productrices s'est encore aggravée au mois d'août, si bien que les prix ont fortement augmenté semaine après semaine.
- Au Canada, le temps est resté chaud et sec jusqu'au début de la récolte (deuxième quinzaine d'août), puis il a changé du tout au tout, avec parfois d'importantes précipitations, qui pourraient impacter la qualité du grain. Les prix demandés aux cultivateurs pour le stockage ont plus que doublé par rapport à l'an dernier. La récolte canadienne, de même que celle des États-Unis, pourrait être inférieure de plus de 40 % à celle de 2020.
- La majorité de la récolte française a tellement souffert des fortes précipitations en termes de qualité, que les fournisseurs, incapables d'honorer leurs engagements, ont été obligés d'annuler leurs contrats.
Selon les dernières estimations du Conseil international des Céréales (IGC), l'offre mondiale n'a jamais été aussi basse depuis vingt ans.